Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/198

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Le givre et la neige tombaient incessamment depuis la veille ; aussi la robe d’indienne de la jeune ouvrière, son petit châle de cotonnade, et son bonnet de tulle noir qui, découvrant ses deux épais bandeaux de cheveux châtains, encadrait son pâle et intéressant visage, étaient trempés d’eau ; le froid avait rendu livides ses mains blanches et maigres ; on voyait seulement à l’éclat de ses yeux bleus, ordinairement doux et timides, que cette pauvre créature, si frêle et si craintive, avait puisé dans la gravité des circonstances une énergie extraordinaire.

— Mon Dieu… d’où viens-tu, ma bonne Mayeux ? lui dit Françoise ; tout à l’heure, en allant voir si mon fils était rentré… j’ai ouvert ta porte et j’ai été tout étonnée… de ne pas te trouver ;… tu es donc sortie de bien bonne heure ?

— Je vous apporte des nouvelles d’Agricol…

— De mon fils ! s’écria Françoise en tremblant ; que lui est-il arrivé ? tu l’as vu ?… tu lui as parlé ? où est-il ?

— Je ne l’ai pas vu… mais je sais où il est.

Puis, s’apercevant que Françoise pâlissait, la Mayeux ajouta :

— Rassurez-vous… il se porte bien, il ne court aucun danger.

— Soyez béni, mon Dieu !… vous ne vous