Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/259

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laissée vous expliquer… je n’ai pas volé, mon Dieu ! je n’ai pas volé… Je vais vous dire… c’est pour rendre service à quelqu’un… laissez-moi vous dire…

— Je vous dis que vous vous expliquerez au poste ; si vous ne voulez pas marcher, on va vous traîner, dit le sergent de ville.

Il faut renoncer à peindre cette scène à la fois ignoble et terrible…

Faible, abattue, épouvantée, la malheureuse jeune fille fut entraînée par les soldats ; à chaque pas ses jambes fléchissaient ; il fallut que le sergent et l’agent de police lui donnassent le bras pour la soutenir… et elle accepta machinalement cet appui.

Alors les vociférations, les huées, éclatèrent avec une nouvelle furie.

Marchant défaillante entre ces deux hommes, l’infortunée semblait gravir son calvaire jusqu’au bout.

Sous ce ciel brumeux, au milieu de cette rue fangeuse encadrée dans de grandes maisons noires, cette populace hideuse et fourmillante rappelait les plus sauvages élucubrations de Callot ou de Goya ; des enfants en haillons, des femmes avinées, des hommes à figure sinistre et flétrie, se poussaient, se heurtaient, se battaient, s’écrasaient pour suivre en hurlant et