Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/270

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Joie, jusqu’alors inaperçu, venait de s’élancer d’un bond dans le fiacre.

Le carlin, exaspéré de cette audace, oubliant sa prudence habituelle, emporté par la colère et par la méchanceté, sauta au museau de Rabat-Joie et le mordit si cruellement, que de son côté le brave chien de Sibérie, exaspéré par la douleur, se jeta sur Monsieur, le prit à la gorge, et en deux coups de sa gueule puissante l’étrangla net… ainsi qu’il apparut à un gémissement étouffé du carlin déjà à demi suffoqué par l’embonpoint.

Tout ceci s’était passé en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, car c’est à peine si Rose et Blanche effrayées avaient eu le temps de s’écrier par deux fois :

— Ici, Rabat-Joie !

— Ah ! grand Dieu ! dit madame Grivois en se retournant au bruit, encore ce monstre de chien… Il va blesser Monsieur… Mesdemoiselles, renvoyez-le… faites-le descendre… il est impossible de l’emmener…

Ignorant à quel point Rabat-Joie était criminel, car Monsieur gisait inanimé sous une banquette, les jeunes filles, sentant d’ailleurs qu’il n’était pas convenable de se faire accompagner de ce chien, lui dirent, en le poussant légèrement du pied, et d’un ton fâché :