Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/292

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— Il ne s’agit pas d’hélas ! dit le soldat en essuyant son front dont les veines étaient gonflées et tendues à se rompre, que veux-tu que je réponde au maréchal ?

— Accuse-moi auprès de lui… je supporterai tout… je dirai tout…

— Que diras-tu ?

— Que tu m’avais confié deux jeunes filles, que tu es sorti, qu’à ton retour, ne les ayant pas retrouvées, tu m’as interrogée, et que je t’ai répondu que je ne pouvais pas te dire ce qu’elles étaient devenues.

— Ah !… et le maréchal se contentera de ces raisons-là ?… dit Dagobert en serrant convulsivement les poings sur ses genoux.

— Malheureusement, je ne pourrai pas lui en donner d’autres… ni à lui ni à toi ;… non… quand la mort serait là, je ne le pourrais pas…

Dagobert bondit sur sa chaise en entendant cette réponse, faite avec une résignation désespérante.

Sa patience était à bout ; ne voulant cependant pas céder à de nouveaux emportements ou à des menaces dont il sentait l’impuissance, il se leva brusquement, ouvrit une des fenêtres, et exposa au froid et à l’air son front brûlant ; un peu calmé, il fit quelques pas dans la chambre et revint s’asseoir auprès de sa femme.