Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/294

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bien, ajouta Dagobert d’une voix émue : Si ces enfants ne me sont pas rendues la veille du 13 février, et tu vois que le temps presse… tu me mets envers les filles du maréchal Simon dans la position d’un homme qui les aurait volées, dépouillées, entends-tu bien ? dépouillées ! dit le soldat d’une voix profondément altérée.

Puis, avec un accent de désolation qui brisa le cœur de Françoise, il ajouta :

— Et j’avais pourtant fait tout ce qu’un honnête homme peut faire… pour amener ces pauvres enfants ici ;… tu ne sais pas, toi, ce que j’ai eu à endurer en route… mes soins, mes inquiétudes… car enfin… moi soldat, chargé de deux jeunes filles… ce n’est qu’à force de cœur, de dévouement, que j’ai pu m’en tirer… et lorsque, pour ma récompense, je croyais pouvoir dire à leur père : « Voici vos enfants… »

Le soldat s’interrompit…

À la violence de ses premiers emportements succédait un attendrissement douloureux ; il pleura.

À la vue des larmes qui coulaient lentement sur la moustache grise de Dagobert, Françoise sentit un moment sa résolution défaillir ; mais songeant au serment qu’elle avait fait à son confesseur, et se disant qu’après tout il s’agissait du salut éternel des orphelines, elle s’ac-