Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/340

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suffisant pour manger à ta faim, pour avoir un jour ou deux d’amusements par semaine après un travail quotidien de douze ou quinze heures, pour te procurer la modeste et fraîche toilette que réclame si impérieusement ton charmant visage, tu n’aurais rien demandé de plus, j’en suis certaine, tu me l’as dit cent fois ; tu as donc cédé à une nécessité irrésistible, parce que tes besoins sont plus grands que les miens.

— C’est vrai…, répondit la reine Bacchanal d’un air pensif, si j’avais seulement trouvé à gagner quarante sous par jour… ma vie aurait été tout autre… car dans les commencements… vois-tu, ma sœur, j’étais cruellement humiliée de vivre aux dépens de quelqu’un…

— Aussi… as-tu été invinciblement entraînée, ma bonne Céphyse ; sans cela je te blâmerais au lieu de te plaindre… Tu n’as pas choisi ta destinée, tu l’as subie… comme je subis la mienne…

— Pauvre sœur ! dit Céphyse en embrassant tendrement la Mayeux, toi si malheureuse, tu m’encourages, tu me consoles… et ce serait à moi de te plaindre…

— Rassure-toi…, dit la Mayeux, Dieu est juste et bon : s’il m’a refusé bien des avantages,