Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/343

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souillent jusqu’au bien qu’on voudrait faire.

— Céphyse… je n’ai pas voulu te blesser… tu le sais bien.

— Oh ! va, crois-moi, reprit la reine Bacchanal, si étourdie, si gaie que je sois, j’ai quelquefois… des moments de réflexion… même au milieu de mes joies les plus folles… et ces moments-là sont rares, heureusement.

— Et à quoi penses-tu, alors ?

— Je pense que la vie que je mène… n’est guère honnête ; alors je veux demander à Jacques une petite somme d’argent, seulement de quoi assurer ma vie pendant un an ; alors je fais le projet d’aller te rejoindre et de me remettre peu à peu à travailler.

— Eh bien !… cette idée est bonne… pourquoi ne la suis-tu pas ?

— Parce qu’au moment d’exécuter ce projet, je m’interroge sincèrement, et le courage me manque ; je le sens, jamais je ne pourrai reprendre l’habitude du travail, et renoncer à cette vie, tantôt riche comme aujourd’hui, tantôt précaire… mais au moins libre, oisive, joyeuse, insouciante, et toujours mille fois préférable à celle que je mènerais en gagnant quatre francs par semaine. Jamais, d’ailleurs, l’intérêt ne m’a guidée ; plusieurs fois j’ai refusé de quitter un amant qui n’avait pas grand’chose