Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/353

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Ces jeunes gens et ces jeunes filles semblaient avoir oublié les fatigues d’un bal commencé à onze heures du soir et terminé à six heures du matin ; tous ces couples, aussi joyeux qu’amoureux et infatigables, riaient, mangeaient, buvaient, avec une ardeur juvénile et pantagruélique ; aussi, pendant la première partie du repas, on causa peu, on n’entendit que le bruit du choc des verres et des assiettes.

La physionomie de la reine Bacchanal était moins joyeuse, mais beaucoup plus animée que de coutume ; ses joues colorées, ses yeux brillants annonçaient une surexcitation fébrile ; elle voulait s’étourdir à tout prix ; son entretien avec sa sœur lui revenait quelquefois à l’esprit ; elle tâchait d’échapper à ces tristes souvenirs.

Jacques regardait Céphyse de temps à autre avec une adoration passionnée ; car, grâce à la singulière conformité de caractère, d’esprit, de goûts, qui existait entre lui et la reine Bacchanal, leur liaison avait des racines beaucoup plus profondes et plus solides que n’en ont d’ordinaire ces attachements éphémères basés sur le plaisir. Céphyse et Jacques ignoraient même toute la puissance d’un amour jusqu’alors environné de joies et de fêtes et que nul événement sinistre n’avait encore contrarié.

La petite Rose-Pompon, veuve depuis quel-