Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/452

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croisée ; ce que lui avait dit Agricol du charme de sa protectrice lui paraissait mille fois au-dessous de la réalité ; jamais la Mayeux, même dans ses secrètes aspirations de poëte, n’avait rêvé une si rare perfection.

Par un rapprochement singulier, l’aspect du beau idéal jetait dans une sorte de divine extase ces deux jeunes filles si dissemblables, ces deux types extrêmes de laideur et de beauté, de richesse et de misère.

Après cet hommage pour ainsi dire involontaire, rendu à Adrienne, la Mayeux fit un mouvement vers la claire-voie.

— Que voulez-vous ?… s’écria mademoiselle de Cardoville en se levant avec un sentiment de répulsion qui ne put échapper à la Mayeux.

Aussi baissant timidement les yeux, celle-ci dit de sa voix la plus douce :

— Pardon, mademoiselle, de me présenter ainsi devant vous, mais les moments sont précieux… je viens de la part d’Agricol…

En prononçant ces mots, la jeune ouvrière releva les yeux avec inquiétude, craignant que mademoiselle de Cardoville n’eût oublié le nom du forgeron ; mais à sa grande surprise et à sa plus grande joie, l’effroi d’Adrienne sembla diminuer au nom d’Agricol.