Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/541

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qui agitait les grands arbres du boulevard.

— Mais, j’y pense, mon père, une fois la porte du jardin ouverte, emmenons-nous Rabat-Joie ?

— Oui… oui ; s’il y a un chien de garde, il s’en chargera ; et puis, il nous avertira de l’approche des gens de ronde, et qui sait ?… il a tant d’intelligence, il est si attaché à Rose et à Blanche, qu’il nous aidera peut-être à découvrir l’endroit où elles sont ; je l’ai vu vingt fois aller les rejoindre dans les bois avec un instinct extraordinaire.

Un tintement lent, grave, sonore, dominant les sifflements de la bise, commença de sonner minuit.

Ce bruit sembla retentir douloureusement dans l’âme d’Agricol et de son père ; muets, émus, ils tressaillirent… par un mouvement spontané, ils se prirent et se serrèrent énergiquement la main. Malgré eux, chaque battement de leur cœur se réglait sur chacun des coups de cette horloge, dont la vibration se prolongeait au milieu du morne silence de la nuit…

Au dernier tintement, Dagobert dit à son fils d’une voix ferme :

— Voilà minuit… embrasse-moi… et en avant.