Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/83

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et il reprit vivement pour réparer la grossièreté du baron :

— Il n’y a, mademoiselle, aucune comparaison à établir entre ces gens-là… et une personne de votre condition…

— Pour un catholique… M. l’abbé, cette distinction est peu chrétienne, répondit Adrienne.

— Je sais la portée de mes paroles, mademoiselle, reprit sèchement l’abbé ; d’ailleurs, cette vie indépendante que vous voulez mener, contre toute raison, aurait pour l’avenir les suites les plus fâcheuses ; car votre famille peut vouloir vous marier un jour, et…

— J’épargnerai ce souci à ma famille, monsieur ; si je veux me marier… je me marierai moi-même… ce qui est assez raisonnable, je pense, quoiqu’à vrai dire, je sois peu tentée de cette lourde chaîne que l’égoïsme et la brutalité nous rivent à jamais au cou.

— Il est indécent, mademoiselle, dit la princesse, de parler aussi légèrement de cette institution.

— Devant vous surtout, madame… il est vrai, pardon de vous avoir choquée… Vous craignez que ma manière de vivre indépendante n’éloigne les prétendants… ce m’est une raison de plus pour persister dans mon indépendance, car j’ai horreur des prétendants. Tout