Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/209

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poêle tira, Rodin alla étendre sur leur ficelle les deux mouchoirs à tabac qui lui servaient de rideaux ; puis, se croyant bien celé à tous les yeux, il tira de la poche de côté de sa redingote la lettre que la mère Arsène lui avait remise.

En faisant ce mouvement, il amena plusieurs papiers et objets différents ; l’un de ces papiers, gras et froissé, plié en petit paquet, tomba sur une table et s’ouvrit ; il renfermait une croix de la Légion d’honneur en argent noirci par le temps ; le ruban rouge de cette croix avait presque perdu sa couleur primitive.

À la vue de cette croix, qu’il remit dans sa poche avec la médaille dont Faringhea avait dépouillé Djalma, Rodin haussa les épaules en souriant d’un air méprisant et sardonique, puis il tira sa grosse montre d’argent, et la plaça sur la table à côté de la lettre de Rome.

Il regardait cette lettre avec un singulier mélange de défiance et d’espoir, de crainte et d’impatiente curiosité.

Après un moment de réflexion, il s’apprêtait à décacheter cette enveloppe… mais il la rejeta brusquement sur la table, comme si, par un étrange caprice, il eût voulu prolonger de quelques instants l’angoisse d’une incertitude aussi poignante, aussi irritante que l’émotion du jeu.