Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/22

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À ces mots du père d’Aigrigny, Gabriel ne put retenir un mouvement en se rappelant les amères confidences de Françoise ; mais il se contint pendant que Rodin, debout et accoudé à l’angle de la cheminée, continuait de l’examiner avec une attention singulière et opiniâtre.

Le père d’Aigrigny reprit :

— Je ne vous le cache pas, mon cher fils, votre résolution me combla de joie ; je vis en vous une des futures lumières de l’Église et je fus jaloux de la voir briller au milieu de notre compagnie. Nos épreuves, si difficiles, si pénibles, si nombreuses, vous les avez courageusement subies ; vous avez été jugé digne de nous appartenir, et après avoir prêté entre mes mains un serment irrévocable et sacré qui vous attache à jamais à notre compagnie pour la plus grande gloire du Seigneur, vous avez désiré répondre à l’appel de notre saint-père aux âmes de bonne volonté, et aller prêcher[1], comme missionnaire, la foi catholique chez les barbares. Quoiqu’il nous fût pénible de nous séparer de notre cher fils, nous dûmes accéder à des désirs si pieux : vous êtes parti humble missionnaire, vous nous êtes revenu glorieux

  1. Les jésuites reconnaissent au seul endroit des missions l’initiative du pape sur leur compagnie.