Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/295

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Tandis qu’au contraire, sachant ce que vous étiez, ma chère demoiselle, ma foi ! je me suis révolté dans mon infériorité. « Non, non, me suis-je dit, mille fois non ! Une si belle intelligence, un si grand cœur ne seront pas victimes d’un abominable complot… Peut-être je serai brisé dans la lutte, mais du moins j’aurai tenté de combattre. »

Il est impossible de dire avec quel mélange de finesse, d’énergie, de sensibilité, Rodin avait accentué ces paroles.

Ainsi que cela arrive fréquemment aux gens singulièrement disgracieux et repoussants, dès qu’ils sont parvenus à faire oublier leur laideur, cette laideur même devient un motif d’intérêt, de commisération, et l’on se dit : « Quel dommage qu’un tel esprit, qu’une telle âme, habite un corps pareil ! » et l’on se sent touché, presque attendri par ce contraste.

Il en était ainsi de ce que mademoiselle de Cardoville commençait à éprouver pour Rodin ; car autant il s’était montré brutal et insolent envers le docteur Baleinier, autant il était simple et affectueux avec elle.

Une seule chose excitait vivement la curiosité de mademoiselle de Cardoville, c’était de savoir comment Rodin avait conçu le dévouement et l’admiration qu’elle lui inspirait.