Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/302

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l’abbé d’Aigrigny et son secrétaire, alors que celui-ci, dévoilant complètement les machinations de son maître, le livrait aux tribunaux ? alors qu’enfin Rodin allait en ceci peut-être plus loin que mademoiselle de Cardoville n’aurait été elle-même ? Quelle arrière-pensée supposer au jésuite ? tout au plus celle de chercher à s’attirer par ses services la fructueuse protection de la jeune fille ? Et encore ne venait-il pas de protester contre cette supposition, en déclarant que ce n’était pas à mademoiselle de Cardoville, belle, noble et riche, qu’il s’était dévoué, mais à la jeune fille au cœur fier et généreux ? Et puis enfin, ainsi que le disait Rodin lui-même, quel homme, à moins d’être un misérable, ne se fût intéressé au sort d’Adrienne ?

Un sentiment singulier, bizarre, mélange de curiosité, de surprise et d’intérêt, se joignait à la gratitude de mademoiselle de Cardoville pour Rodin ; pourtant, reconnaissant un esprit supérieur sous cette humble enveloppe, un soupçon grave lui vint tout à coup à l’esprit.

— Monsieur, dit-elle à Rodin, j’avoue toujours aux gens que j’estime les mauvais doutes qu’ils m’inspirent, afin qu’ils se justifient et m’excusent si je me trompe.

Rodin regarda mademoiselle de Cardoville avec surprise, et paraissant supputer mentale-