Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/303

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ment les soupçons qu’il avait pu lui inspirer, il répondit après un moment de silence :

— Peut-être s’agit-il de mon voyage à Cardoville, de mes mauvaises propositions à votre brave et digne régisseur ?… mon Dieu ! je…

— Non, non, monsieur…, dit Adrienne en l’interrompant, vous m’avez fait spontanément cet aveu, et je comprends qu’aveuglé sur le compte de M. d’Aigrigny, vous ayez exécuté passivement des instructions auxquelles la délicatesse répugnait… Mais comment se fait-il qu’avec votre valeur incontestable vous occupiez auprès de lui, et depuis longtemps une position aussi subalterne ?

— C’est vrai, dit Rodin en souriant, cela doit vous surprendre d’une manière fâcheuse, ma chère demoiselle ; car un homme de quelque capacité qui reste longtemps dans une condition infime, a évidemment quelque vice radical, quelque passion mauvaise ou basse…

— Ceci, monsieur… est généralement vrai…

— Et personnellement vrai… quant à moi.

— Ainsi, monsieur, vous avouez ?…

— Hélas ! j’avoue que j’ai une mauvaise passion, à laquelle j’ai depuis quarante ans sacrifié toutes les chances de parvenir à une position sortable.

— Et cette passion… monsieur ?