Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/314

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ceptionnelle que dans tout autre condition ! Voulez-vous enfin mal employer votre liberté ? Non, mille fois non ; pour faire le mal, on recherche l’ombre, l’isolement ; posée, au contraire, comme vous le serez, tous les yeux jaloux et envieux du troupeau vulgaire seront constamment braqués sur vous… Pourquoi donc enfin prenez-vous cette détermination si courageuse, si rare, qu’elle en est unique chez une jeune personne de votre âge ? Voulez-vous que je vous le dise, moi… ma chère demoiselle ? Eh bien ! vous voulez prouver par votre exemple que toute femme au cœur pur, à l’esprit droit, au caractère ferme, à l’âme indépendante, peut noblement et fièrement sortir de la tutelle humiliante que l’usage lui impose ! Oui, au lieu d’accepter une vie d’esclave en révolte, vie fatalement vouée à l’hypocrisie ou au vice, vous voulez, vous, vivre aux yeux de tous, indépendante, loyale et respectée… Vous voulez enfin avoir, comme l’homme, le libre arbitre, l’entière responsabilité de tous les actes de votre vie, afin de bien constater qu’une femme complètement livrée à elle-même peut égaler l’homme en raison, en sagesse, en droiture, et le surpasser en délicatesse et en dignité… Voilà votre dessein, ma chère demoiselle. Il est noble, il est grand ; votre exemple sera-t-il imité ?