Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/315

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je l’espère ! Mais, ne le serait-il pas, que votre généreuse tentative vous placera toujours haut et bien ! croyez-moi…

Les yeux de mademoiselle de Cardoville brillaient d’un fier et doux éclat, ses joues étaient légèrement colorées, son sein palpitait, elle redressait sa tête charmante par un mouvement d’orgueil involontaire ; enfin, complètement sous le charme de cet homme diabolique, elle s’écria :

— Mais, monsieur, qui êtes-vous donc pour connaître, pour analyser ainsi mes plus secrètes pensées, pour lire dans mon âme plus clairement que je n’y lis moi-même, pour donner une nouvelle vie, un nouvel élan à ces idées d’indépendance qui depuis si longtemps germent en moi ? qui êtes-vous donc enfin pour me relever si fort à mes propres yeux, que maintenant j’ai la conscience d’accomplir une mission honorable pour moi, et peut-être utile à celles de mes sœurs qui souffrent dans un dur servage ?… encore une fois, qui êtes-vous, monsieur ?

— Qui je suis, mademoiselle ? répondit Rodin avec un sourire d’adorable bonhomie ; je vous l’ai déjà dit, je suis un pauvre vieux bonhomme qui depuis quarante ans, après avoir chaque jour servi de machine à écrire les idées