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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/40

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simples et touchantes paroles les hommes se régénéraient, la liberté succédait à l’esclavage… L’Évangile, ce code divin, ne suffit-il pas pour enseigner aux hommes à s’aimer ?… Mais, hélas ! loin de nous faire entendre ce langage, on nous entretenait trop souvent de guerres de religion, nombrant les flots de sang qu’il avait fallu verser pour être agréable au Seigneur et noyer l’hérésie. Ces terribles enseignements rendaient notre vie plus triste encore. À mesure que nous approchions du terme de l’adolescence, nos relations de séminaire prenaient un caractère d’amertume, de jalousie et de soupçon toujours croissant. Les habitudes de délation, s’appliquant à des sujets plus sérieux, engendraient des haines sourdes, des ressentiments profonds. Je n’étais ni meilleur ni plus méchant que les autres ; tous rompus depuis des années au joug de fer de l’obéissance passive, déshabitués de tout examen, de tout libre arbitre, humbles et tremblants devant nos supérieurs, nous offrions tous la même empreinte pâle, morne et effacée… Enfin je pris les ordres : une fois prêtre, vous m’avez convié, mon père, à entrer dans la compagnie de Jésus, ou plutôt je me suis trouvé insensiblement, presque à mon insu, amené à cette détermination… Comment ? Je l’ignore… depuis si longtemps ma volonté ne m’apparte-