Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/425

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M. de Montbron avait accueilli la demande de mademoiselle de Cardoville avec le plus grand plaisir, se faisant, disait-il, une joie de lancer son jeune tigre royal dans les salons et de le mettre aux prises avec la fleur des élégantes et les beaux de Paris, offrant de parier et de tenir tout ce qu’on voudrait pour son sauvage pupille.

« Quant à moi, mon cher comte, avait-elle dit à M. de Montbron avec sa franchise habituelle, ma résolution est inébranlable ; vous m’avez dit, vous-même, l’effet que va produire dans le monde l’apparition du prince Djalma, un Indien de dix-neuf ans, d’une beauté surprenante, fier et sauvage comme un jeune lion arrivant de sa forêt ; c’est nouveau, c’est extraordinaire, avez-vous ajouté ; aussi les coquetteries civilisatrices vont le poursuivre avec un dévouement dont je suis effrayée pour lui ; or sérieusement, mon cher comte, il ne peut pas me convenir de paraître vouloir rivaliser de zèle avec tant de belles dames qui vont s’exposer intrépidement aux griffes de votre jeune tigre. Je m’intéresse fort à lui, parce qu’il est mon cousin, parce qu’il est beau, parce qu’il est brave, mais surtout parce qu’il n’est pas vêtu à cette horrible mode européenne. Sans doute ce sont là de rares qualités, mais elles ne suffisent pas jusqu’à