Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/47

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le savez, mon Dieu ! il me semblait sentir ma raison s’affaiblir. Oui… et elle s’égara tout à fait… car bientôt je voulus fuir ce livre infernal, et je ne sais quel épouvantable attrait, quelle curiosité dévorante me retenait haletant, éperdu, devant ces pages infâmes… je me sentais mourir de confusion, de honte ; et malgré moi mes joues s’enflammaient ; une ardeur corrosive circulait dans mes veines ;… alors de redoutables hallucinations vinrent achever mon égarement… il me sembla voir des fantômes lascifs sortir de ce livre maudit… et je perdis connaissance en cherchant à fuir leurs brûlantes étreintes.

— Vous parlez de ce livre en termes blâmables, dit sévèrement le père d’Aigrigny ; vous avez été victime de votre imagination trop vive ; c’est à elle que vous devez attribuer cette impression funeste, produite par un livre excellent et irréprochable dans sa spécialité, autorisé d’ailleurs par l’Église.

— Ainsi, mon père, reprit Gabriel avec une profonde amertume, je n’ai pas le droit de me plaindre de ce que ma pensée, jusqu’alors innocente et vierge, a été depuis à jamais souillée par des monstruosités que je n’aurais jamais soupçonnées ? car je doute que ceux qui sont coupables de se livrer à ces horreurs