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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/512

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il l’a nommée… en me disant naïvement :

« — Un nom charmant… Angèle… n’est-ce pas, la Mayeux  ?

« Rapprocher ce nom, qui rappelle une idée pleine de grâce, de ce sobriquet, ironique symbole de ma difformité !…

« Pauvre Agricol !… pauvre frère !… Dis ! la bonté est donc quelquefois aussi impitoyablement aveugle que la méchanceté ?…

« Moi, haïr cette jeune fille ?… Et pourquoi ? M’a-t-elle dérobé la beauté qui séduit Agricol ? Puis-je lui en vouloir d’être belle ?

« Quand je n’étais pas encore faite aux conséquences de ma laideur, je me demandais, avec une amère curiosité, pourquoi le Créateur avait doué si inégalement ses créatures…

« L’habitude de certaines douleurs m’a permis de réfléchir avec calme ; j’ai fini par me persuader… et je crois qu’à la laideur et à la beauté sont attachées les deux plus nobles émotions de l’âme… l’admiration et la compassion !

« Ceux qui sont comme moi… admirent ceux qui sont beaux… comme Angèle, comme Agricol… et ceux-là éprouvent à leur tour une commisération touchante pour ceux qui me ressemblent…

« L’on a quelquefois, malgré soi, des espérances bien insensées… De ce que jamais