Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/59

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— Mon père, j’ignorais alors, vous le savez, la nature de l’engagement que je prenais… À cette heure, plus éclairé, je demande à me retirer ; mon seul désir est d’obtenir une cure dans quelque village éloigné de Paris… Je me sens une irrésistible vocation pour ces humbles et utiles fonctions ; il y a dans les campagnes une misère si affreuse, une ignorance si désolante de tout ce qui pourrait contribuer à améliorer un peu la condition du prolétaire agriculteur, dont l’existence est aussi malheureuse que celle des nègres esclaves, car quelle est sa liberté, quelle est son instruction, mon Dieu ! qu’il me semble que, Dieu aidant, je pourrais, dans une cure de village, rendre quelques services à l’humanité ! Il me serait donc pénible, mon père, de vous voir me refuser ce que…

— Oh ! rassurez-vous, mon fils, reprit le père d’Aigrigny, je ne prétends pas lutter plus longtemps contre votre désir de vous séparer de nous…

— Ainsi, mon père… vous me relevez de mes vœux ?

— Je n’ai pas pouvoir pour cela, mon cher fils ; mais je vais écrire immédiatement à Rome pour en demander l’autorisation à notre général.