Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/58

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révérend père à sa demande expresse de le délier de ses anciens serments.

Sa Révérence, ayant sans doute habilement combiné son plan d’attaque, rompit enfin le silence, poussa un profond soupir, sut donner à sa physionomie, naguère sévère et irritée, une touchante expression de mansuétude, et dit à Gabriel d’une voix affectueuse :

— Pardonnez-moi, mon cher fils, d’avoir gardé si longtemps le silence… mais votre brusque détermination m’a tellement étourdi, a soulevé en moi tant de pénibles pensées… que j’ai dû me recueillir pendant quelques moments pour tâcher de pénétrer la cause de votre rupture… et je crois avoir réussi… Ainsi donc, mon cher fils, vous avez bien réfléchi… à la gravité de votre démarche ?

— Oui, mon père.

— Vous êtes absolument décidé à abandonner la compagnie… même contre mon gré ?

— Cela me serait pénible… mon père ;… mais je m’y résignerais…

— Cela vous devrait être, en effet, très-pénible, mon cher fils ;… car vous avez librement prêté un serment irrévocable, et ce serment, selon nos statuts, vous engageait à ne quitter la compagnie qu’avec l’agrément de vos supérieurs…