Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/602

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et parfaitement assuré, puisque les salaires me garantiront le prix du loyer. »

— Ah ! M. Agricol, je commence à comprendre comment il peut être quelquefois avantageux de faire le bien, même dans un intérêt d’argent.

— Et moi je suis presque certain, mademoiselle, qu’à la longue les affaires faites avec droiture et loyauté sont toujours bonnes. Mais revenons à notre spéculateur. « Voici donc, dira-t-il, mes ouvriers établis à la porte de ma fabrique, bien logés, bien chauffés, et arrivant toujours vaillants à l’atelier. Ce n’est pas tout… l’ouvrier anglais qui mange de bon bœuf, qui boit de bonne bière, fait, à temps égal, deux fois le travail de l’ouvrier français[1], réduit à une détestable nourriture plus débilitante que confortante, grâce à l’empoisonnement des denrées. Mes ouvriers travailleraient donc beaucoup plus s’ils mangeaient beaucoup mieux. Comment faire, sans y mettre du mien ? Mais j’y songe, le régime des casernes, des pensions, et même des prisons, qu’est-il ? la mise en com-

  1. Le fait a été expérimenté lors des travaux du chemin de fer de Rouen. Les ouvriers français qui, n’ayant pas de famille, ont pu adopter le régime des Anglais, ont fait au moins autant de besogne, réconfortés qu’ils étaient par une nourriture saine et suffisante.