Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/655

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cris sauvages de : vive Ciboule ! qui l’excitaient jusqu’au délire.

Parmi les autres meneurs était un petit homme sec, pâle, à mine de furet, à la barbe noire en collier ; il portait une calotte grecque écarlate, et sa longue blouse neuve laissait voir un pantalon de drap très-propre et des bottes fines. Évidemment cet homme était d’une condition différente de celle des autres gens de la troupe : c’était surtout lui qui prêtait les propos les plus irritants et les plus insultants aux ouvriers de la fabrique contre les habitants des environs ; il criait beaucoup, mais il ne portait ni pierre ni bâton. Un homme à figure pleine, colorée, et dont la formidable voix de basse-taille semblait appartenir à un chantre d’église, lui dit :

— Tu ne veux donc pas faire feu sur ces chiens d’impies, qui sont capables d’attirer le choléra dans le pays, comme a dit M. le curé ?

— Je ferai feu… mieux que toi, répondit le petit homme à mine de furet, avec un sourire singulier et sinistre.

— Et avec quoi feras-tu feu ?

— Avec cette pierre, probablement, dit le petit homme en ramassant un gros caillou.

Mais, au moment où il se baissait, un sac assez gonflé, mais très-léger, qu’il paraissait tenir attaché sous sa blouse, tomba.