Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il faut renoncer à rendre la foudroyante rapidité de ces émotions, qui vous torturent, qui vous tuent dans l’espace d’une minute… Ainsi, Adrienne avait été précipitée du plus radieux bonheur au fond d’un abîme de douleurs atroces, en moins d’une seconde… car elle fut à peine une seconde avant de répondre à madame de Morinval :

— Qu’y a-t-il donc de si curieux en face de nous, ma chère Julie ?

Cette réponse évasive permettait à Adrienne de reprendre son sang-froid. Heureusement, grâce à ses longues boucles de cheveux, qui, de profil, cachaient presque entièrement ses joues, sa pâleur et sa rougeur subites échappèrent à madame de Morinval qui reprit gaiement :

— Comment ! ma chère, vous ne voyez pas ces Indiens qui viennent d’entrer dans cette loge d’avant-scène… tenez… là… justement en face de la nôtre ?

— Ah ! oui… très-bien ;… je les vois, répondit Adrienne d’une voix ferme.

— Et vous ne les trouvez pas très-curieux ? reprit la marquise.

— Allons, mesdames, dit en riant M. de Morinval, un peu d’indulgence pour de pauvres étrangers ; ils ignorent nos usages ; sans cela