Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/148

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attache à mes pas, a ravagé cette ville et atteint d’abord mes frères, déjà épuisés par la fatigue et par la misère.

« Mes frères à moi… l’artisan de Jérusalem, l’artisan maudit du Seigneur, qui, dans ma personne, a maudit la race des travailleurs, race toujours souffrante, toujours déshéritée, toujours esclave, et qui, comme moi, marche, marche, sans trêve ni repos, sans récompense ni espoir, jusqu’à ce que les femmes, hommes, enfants, vieillards, meurent sous un joug de fer… joug homicide que d’autres reprennent à leur tour et que les travailleurs portent ainsi d’âge en âge sur leur épaule docile et meurtrie.

« Et voici que, pour la troisième fois depuis cinq siècles, j’arrive au faîte d’une des collines qui dominent cette ville.

« Et peut-être j’apporte encore avec moi l’épouvante, la désolation, et la mort.

« Et cette ville, enivrée du bruit de ses joies, de ses fêtes nocturnes, ne sait pas… oh ! ne sait pas que je suis à sa porte…

« Mais non, non, ma présence ne sera pas une calamité nouvelle…

« Le Seigneur, dans ses vues impénétrables, m’a conduit jusqu’ici à travers la France, en me faisant éviter sur ma route jusqu’au plus hum-