Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/244

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chacun une bouteille pleine ; l’on verra qui de nous deux reculera.

Cette étrange proposition de Couche-tout-Nu fut accueillie par les uns avec des cris de joie, par d’autres avec une véritable inquiétude.

— Bravo ! les champions de la bouteille ! criaient ceux-ci.

— Non ! non ! il y aurait trop de danger dans une pareille lutte, disaient ceux-là.

— Ce défi par le temps qui court… est aussi sérieux qu’un duel… à mort, ajoutait un autre.

— Tu entends, dit Morok avec un sourire diabolique, tu entends, Jacques ;… vois maintenant si tu veux reculer devant le danger ?

À ces mots, qui lui rappelaient encore le péril auquel il allait s’exposer, Jacques tressaillit, comme si une idée soudaine lui fût venue à l’esprit ; il redressa fièrement la tête, ses joues se colorèrent légèrement, son regard éteint brilla d’une sorte de satisfaction sinistre, et il s’écria d’une voix ferme :

— Mordieu ! garçon, es-tu sourd ? est-ce que je ne t’ai pas demandé deux bouteilles d’eau-de-vie ?

— Voilà, monsieur, dit le garçon en sortant, presque effrayé de ce qui allait se passer pendant cette lutte bachique.

Néanmoins, la folle et périlleuse résolution