Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/255

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la bouteille à ses lèvres en haussant les épaules.

Jacques se hâta de l’imiter.

Le verre jaunâtre, mince et transparent des bouteilles permettait de parfaitement suivre la diminution progressive du liquide.

Le visage pétrifié de Morok et la pâle et maigre figure de Jacques, déjà sillonnée de grosses gouttes de sueur froide, étaient alors, ainsi que les traits des autres convives, éclairés par la lueur bleuâtre du punch ; tous les yeux étaient attachés sur Morok et sur Jacques avec cette curiosité barbare qu’inspirent involontairement les spectacles cruels.

Jacques buvait en tenant la bouteille de sa main gauche ; soudain, il ferma et serra les doigts de la main droite par un mouvement de crispation involontaire ; ses cheveux se collèrent à son front glacé, et pendant une seconde sa physionomie révéla une douleur aiguë : pourtant il continua de boire ; seulement, ayant toujours ses lèvres attachées au goulot de la bouteille, il l’abaissa un instant comme s’il eût voulu reprendre haleine.

Jacques rencontra le regard sardonique de Morok qui continuait de boire avec son impassibilité accoutumée.

Croyant lire l’expression d’un triomphe insultant dans le coup d’œil de Morok, Jacques