Aller au contenu

Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une surprise croissante ; soudain, les traits de plus en plus altérés, les lèvres tremblantes, il dit presque en balbutiant :

— Céphyse… je te connais… si tu ne prends pas ma main… c’est que…

Puis, la voix lui manquant, il ajouta sourdement, après un instant de silence :

— Quand, il y a six semaines, on m’a emmené en prison, tu m’as dit : « Jacques, je te le jure sur ma vie… je travaillerai, je vivrai s’il le faut, dans une misère horrible… mais je vivrai honnête… » Voilà ce que tu m’as promis… Maintenant, je le sais, tu n’as jamais menti… dis-moi que tu as tenu ta parole… et je te croirai.

Céphyse ne répondit que par un sanglot déchirant en serrant les genoux de Jacques contre sa poitrine haletante.

Contradiction bizarre et plus commune qu’on ne le pense… cet homme, abruti par l’ivresse et par la débauche, cet homme qui, depuis sa sortie de prison, avait, d’orgie en orgie, brutalement cédé à toutes les meurtrières incitations de Morok, cet homme ressentait pourtant un coup affreux en apprenant, par le muet aveu de Céphyse, l’infidélité de cette créature qu’il avait aimée malgré la dégradation dont elle ne s’était pas d’ailleurs cachée.