Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/350

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portait un vieux gilet de laine troué à plusieurs endroits ; il avait sorti un de ses bras de son lit, et de sa main osseuse et velue, aux ongles bleuâtres, il tenait un mouchoir à tabac d’une couleur impossible à rendre.

On eût dit un cadavre, sans deux ardentes étincelles qui brillaient dans l’ombre formée par la profondeur des orbites. Ce regard, où semblaient concentrées, réfugiées, toute la vie, toute l’énergie qui restaient encore à cet homme, trahissait une inquiétude dévorante ; tantôt ses traits révélaient une douleur aiguë ; tantôt la crispation de ses mains et les brusques tressaillements dont il était agité disaient assez son désespoir d’être cloué sur ce lit de douleur, tandis que les graves intérêts dont il s’était chargé réclamaient toute l’activité de son esprit ; aussi sa pensée, ainsi continuellement tendue, surexcitée, faiblissait souvent, les idées lui échappaient ; alors il éprouvait des moments d’absence, des accès de délire dont il sortait comme d’un rêve pénible et dont le souvenir l’épouvantait.

D’après les sages conseils du docteur Baleinier, qui le trouvait hors d’état de s’occuper de choses importantes, le père d’Aigrigny avait jusqu’alors évité de répondre aux questions de Rodin sur la marche de l’affaire Rennepont, si