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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/366

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Quelques minutes auparavant, Rodin eût été réellement incapable de poursuivre son entretien avec le cardinal, lors même que la prudence lui eût permis de le continuer ; il eût été tout aussi incapable de lire une seule ligne, tant sa vue était troublée, voilée ;… pourtant, aux paroles du père d’Aigrigny, il ressentit un tel élan, un tel espoir, que, par un tout-puissant effort d’énergie et de volonté, il se dressa sur son séant, et, l’esprit libre, le regard intelligent, animé, il lut rapidement le papier que le père d’Aigrigny venait de lui remettre.

Le cardinal, stupéfait de cette transfiguration soudaine, se demandait s’il voyait bien le même homme qui, quelques minutes auparavant, venait de tomber gisant sur son lit, presque sans connaissance.

À peine Rodin eut-il lu, qu’il poussa un cri de joie étouffé, en disant avec un accent impossible à rendre :

— Et d’un !… Ça commence… ça va !…

Et fermant les yeux dans une sorte de ravissement extatique, un sourire d’orgueilleux triomphe épanouit ses traits et les rendit plus hideux encore en découvrant ses dents jaunes et déchaussées. Son émotion fut si vive, que le papier qu’il venait de lire tomba de sa main frémissante.