Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/472

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— Je vous croyais heureuse, mademoiselle. Agricol était marié à la jeune fille qu’il aime et qui fera, j’en suis sûre, son bonheur… À qui pouvais-je être utile ?

— À moi d’abord, vous le voyez… et puis qui donc vous dit que M. Agricol n’aura jamais besoin de vous ? Qui vous dit que son bonheur ou celui des siens durera toujours, ou ne sera pas éprouvé par de rudes atteintes ? Et lors même que ceux qui vous aiment auraient dû être à tout jamais heureux, leur bonheur était-il complet sans vous ? Et votre mort, qu’ils se seraient peut-être reprochée, ne leur aurait-elle pas laissé des regrets sans fin ?

— Cela est vrai, mademoiselle, répondit la Mayeux, j’ai eu tort ;… un vertige de désespoir m’a saisie, et puis… la plus affreuse misère nous accablait… nous n’avions pas pu trouver de travail depuis quelques jours… nous vivions de la charité d’une pauvre femme que le choléra a enlevée. Demain ou après, il nous aurait fallu mourir de faim.

— Mourir de faim !… et vous saviez ma demeure…

— Je vous avais écrit, mademoiselle ; ne recevant pas de réponse, je vous ai crue blessée de mon brusque départ.

— Pauvre chère enfant, vous étiez, ainsi que