Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/493

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bizarrerie de cette rencontre, fut d’abord ravie de voir ainsi sa rivale confirmer une partie de ses prévisions ; mais, tout à coup, à ses espérances devenues presque des réalités, succéda une appréhension cruelle… Expliquons-nous.

Ce que venait d’entendre Adrienne aurait dû la satisfaire complètement. Selon ce qu’on appelle les usages et les coutumes du monde, sûre désormais que le cœur de Djalma n’avait pas cessé de lui appartenir, il devait peu lui importer que le prince, dans toute l’effervescence d’une ardente jeunesse, eût ou non cédé à un caprice éphémère pour cette créature, après tout fort jolie et fort désirable, puisque, dans le cas même où il eût cédé à ce caprice, rougissant de cette erreur des sens, il se séparait de Rose-Pompon.

Malgré de si bonnes raisons, cette erreur des sens ne pouvait être pardonnée par Adrienne. Elle ne comprenait pas cette séparation absolue du corps et de l’âme, qui fait que l’une ne partage pas la souillure de l’autre. Elle ne trouvait pas qu’il fût indifférent de se donner à celle-ci en pensant à celle-là ; son amour, jeune, chaste et passionné, était d’une exigence absolue, exigence aussi juste aux jeux de la nature et de Dieu que ridicule et niaise aux yeux des hommes.