Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/52

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malheureux enfant vous aime avec toute l’ardeur d’un premier amour ; deux fois déjà il a voulu, par le suicide, mettre fin à l’horrible torture que lui cause sa passion pour vous… et vous trouvez étrange que votre amour pour un autre… soit une question de vie ou de mort pour lui !…

— Mais il m’aime donc ! s’écria la jeune fille, avec un accent impossible à rendre.

— À en mourir… vous dis-je ; je l’ai vu…

Adrienne fit un mouvement de stupeur : de pâle qu’elle était, elle devint pourpre ; puis cette rougeur disparut, ses lèvres blanchirent et tremblèrent ; son émotion fut si vive, qu’elle resta quelques moments sans pouvoir parler, et mit la main sur son cœur comme pour en comprimer les battements.

M. de Montbron, presque effrayé du changement subit de la physionomie d’Adrienne, de l’altération croissante de ses traits, se rapprocha vivement d’elle et s’écria :

— Mon Dieu ! ma pauvre enfant, qu’avez-vous !

Au lieu de lui répondre, Adrienne lui fit un signe de la main comme pour le rassurer ; le comte, en effet, se rassura, car le visage de la jeune fille, naguère contracté par la douleur, l’ironie et le dédain, semblait renaître au