Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/99

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augmenté ; une foule compacte se pressait autour de l’un des grands arbres des Champs-Élysées, et l’on entendait sortir çà et là de ce groupe des exclamations de pitié.

Un promeneur, s’approchant d’un jeune homme placé aux derniers rangs de l’attroupement, lui dit :

— Qu’est-ce qu’il y a donc là ?

— On dit que c’est une pauvresse… une jeune fille bossue qui vient de tomber d’inanition…

— Une bossue… beau dommage !… il y en a toujours assez de bossues…, dit brutalement le promeneur avec un rire grossier.

— Bossue ou non… si elle meurt de faim…, répondit le jeune homme en contenant à peine son indignation, ça n’en est pas moins triste, et il n’y a pas là de quoi rire, monsieur !

— Mourir de faim, bah ! dit le promeneur en haussant les épaules. Il n’y a que la canaille qui ne veut pas travailler, qui meurt de faim… et c’est bien fait.

— Et moi, je parie, monsieur, qu’il y a une mort dont vous ne mourrez jamais, vous, s’écria le jeune homme indigné de la cruelle insolence du promeneur.

— Que voulez-vous dire ? reprit le promeneur avec hauteur.