Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/142

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infortuné aux saints mystères de la prière… de cette pieuse intercession de la créature vers le Créateur en faveur d’une âme exposée au courroux céleste. Alors M. de Rancé semble transformé… ses douleurs s’apaisent ; il prie, et plus il prie, plus sa ferveur, plus son espoir augmentent ;… il sent que Dieu l’écoute… Au lieu d’oublier cette femme si chérie… il passe les heures à songer à elle, en priant pour son salut à elle… Oui, renfermé avec bonheur au fond de sa cellule obscure, seul à seul avec ce souvenir adoré, il passe les jours, les nuits, à prier pour elle… dans une extase ineffable, brûlante, je dirais presque… amoureuse.

Il est impossible de rendre l’accent d’une énergie presque sensuelle avec lequel Rodin prononça ce mot : Amoureuse.

M. Hardy tressaillit d’un frisson à la fois ardent et glacé ; pour la première fois, son esprit, affaibli, fut frappé de l’idée des funestes voluptés de l’ascétisme, de l’extase, cette déplorable catalepsie, souvent érotique, des sainte Thérèse, des saint Aubierge, etc., etc.

Rodin, pénétrant la pensée de M. Hardy, continua :

— Oh ! ce n’est pas M. de Rancé qui se serait contenté, lui, d’une prière vague, dis-