Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/190

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Continuez à adorer votre père, chères enfants, car il est bien malheureux, et c’est vous qui, involontairement, causez tous ses chagrins ; vous ne saurez jamais les terribles sacrifices que votre présence lui impose ; mais, hélas ! il est victime de son devoir paternel ; ses peines sont plus cruelles que jamais ; épargnez-lui surtout des démonstrations de tendresse qui lui causent encore plus de chagrin que de bonheur : chacune de vos caresses est un coup de poignard pour lui, car il voit en vous la cause innocente de ses douleurs.

« Chères enfants, il ne faut cependant pas désespérer si vous avez assez d’empire sur vous pour ne pas le mettre à la douloureuse épreuve d’une tendresse trop expansive ; soyez réservées quoique affectueuses, et vous allégerez ainsi de beaucoup ses peines. Gardez toujours le secret, même pour le brave et bon Dagobert, qui vous aime tant ; sans cela, lui, vous, votre père et l’ami inconnu qui vous écrit, courriez de grands dangers, puisque vous avez des ennemis terribles.

« Courage et espoir, car on désire rendre bientôt pure de tout chagrin la tendresse de votre père pour vous, et alors quel beau jour !… Peut-être n’est-il pas loin…

« Brûlez ce billet comme les autres. »