Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/193

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Quant au but de cette manœuvre, il était fort simple : en harcelant ainsi le maréchal de tous côtés, en le persuadant de la tiédeur de ses enfants, on devait naturellement espérer vaincre l’hésitation qui l’empêchait encore d’abandonner de nouveau ses filles pour se jeter dans une aventureuse entreprise ; rendre au maréchal la vie même si amère, qu’il regardât comme un bonheur de chercher l’oubli de ses tourments dans les violentes émotions d’un projet téméraire, généreux et chevaleresque, telle était la fin que se proposait Rodin, et cette fin ne manquait ni de logique, ni de possibilité.

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Après avoir lu cette lettre les deux jeunes filles restèrent un instant silencieuses, accablées ; puis Rose, qui tenait le papier, se leva vivement, s’approcha de la cheminée, et jeta la lettre au feu en disant d’un air craintif :

— Il faut bien vite brûler cette lettre… sans cela, il arriverait peut-être de grands malheurs.

— Pas de plus grands que celui qui nous arrive…, dit Blanche avec abattement. Causer de grands chagrins à notre père, quelle peut en être la cause ?

— Peut-être, vois-tu, Blanche, dit Rose, dont les larmes coulèrent lentement, peut-être qu’il ne nous trouve pas telles qu’il nous aurait dé-