Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/202

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— Que signifie ?…

— Mon général, je ne peux pas vous laisser dire que vous ne comptez sur personne ; vous finiriez peut-être par le croire, et ça serait encore plus dur pour vous que pour ceux qui savent à quoi s’en tenir sur leur dévouement et qui se jetteraient dans le feu pour vous, et… je suis de ceux-là… moi… vous le savez bien.

Ces simples paroles, dites par Dagobert avec un accent profondément ému, rappelèrent le maréchal à lui-même ; car ce caractère loyal et généreux pouvait bien de temps à autre s’aigrir par l’irritation et le chagrin, mais il reprenait bientôt sa droiture première ; aussi, s’adressant à Dagobert, il reprit d’un ton moins brusque, mais qui décelait toujours une vive agitation :

— Tu as raison… je ne dois pas douter de toi ; l’irritation m’emporte ; cette lettre infâme m’a mis hors de moi ;… c’est à en devenir fou. Je suis injuste, bourru… ingrat… Oui, ingrat… et envers qui ?… envers toi… encore…

— Ne parlons plus de moi, mon général ; avec des mots pareils au bout de l’an vous pourriez me brutaliser toute l’année ;… mais que vous est-il arrivé ?…

La physionomie du maréchal redevint sombre ; il dit d’une voix brève et rapide :