Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/216

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une douleur profonde, presque suppliante, qui semblait dire :

— Mes enfants… je souffre… je viens à vous, rassurez-moi, aimez-moi !… ou je meurs…

L’expression de la physionomie du maréchal fut à ce moment pour ainsi dire si parlante, que, le premier mouvement de crainte surmonté, les orphelines furent sur le point de se jeter dans ses bras ; mais, se rappelant les recommandations de l’écrit anonyme qui leur disait combien l’effusion de leur tendresse était pénible à leur père, elles échangèrent un coup d’œil rapide et se continrent.

Par une fatalité cruelle, à ce moment aussi, le maréchal brûlait d’envie d’ouvrir ses bras à ses enfants. Il les contemplait avec idolâtrie ; il fit un léger mouvement comme pour les appeler à lui, n’osant tenter davantage, de crainte de n’être point compris. Mais les pauvres enfants, paralysées par de perfides avis, restèrent muettes, immobiles et tremblantes.

À cette apparente insensibilité, le maréchal sentit son cœur lui manquer ; il ne pouvait plus en douter, ses filles ne comprenaient ni sa terrible douleur ni sa tendresse désespérée.

— Toujours la même froideur, pensa-t-il, je ne m’étais pas trompé.

Tâchant pourtant de cacher ce qu’il ressen-