Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/26

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L’accent de son regret fut si sincère, son humilité si naïve, si douce, qu’Adrienne, aussi touchée jusqu’aux larmes, lui répondit avec une expression de sérieuse tendresse :

— Mon ami… nous sommes tous deux au comble du bonheur… L’avenir de notre félicité n’a pas de limites, et pourtant, quoique de sources différentes, des pensées tristes nous sont venues… C’est que, voyez-vous, il est des bonheurs dont l’immensité même étourdit… Un moment, le cœur… l’esprit… l’âme… ne suffisent pas à les contenir ;… ils nous débordent… ils nous accablent… Les fleurs aussi se courbent par instants, comme anéanties sous les rayons trop ardents du soleil, qui est pourtant leur vie et leur amour… Oh ! mon ami, cette tristesse est grande, mais elle est douce !

En disant ces mots, la voix d’Adrienne baissa de plus en plus, et sa tête s’inclina doucement, comme si en effet elle se fût affaissée sous le poids de son bonheur…

Djalma était resté agenouillé devant elle, ses mains dans ses mains… de sorte qu’en s’abaissant, le front d’ivoire et les cheveux d’or d’Adrienne effleurèrent le front couleur d’ambre et les boucles d’ébène de Djalma…

Et les larmes douces, silencieuses, des deux amants tombaient lentement et se con-