Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/266

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l’aise ; probablement elles ne savent rien…

Bientôt les éclats de rires redoublèrent tellement, que le soldat, ravi de cet accès de gaieté si rare chez ses enfants, se sentit d’abord tout attendri ; un instant ses yeux devinrent humides en pensant que les orphelines avaient retrouvé l’heureuse sérénité de leur âge ; puis, passant de l’attendrissement à la joie, l’oreille toujours au guet contre la porte, le corps à demi penché, les mains appuyées sur ses genoux, Dagobert, épanoui, rayonnant, les lèvres relevées par une expression de jovialité muette, hochant un peu la tête, accompagna de son rire muet les éclats de l’hilarité croissante des jeunes filles… Enfin, comme rien n’est plus contagieux que la gaieté, et que le digne soldat se pâmait d’aise, il finit par rire tout haut, et de toutes ses forces, sans savoir pourquoi, et seulement parce que Rose et Blanche riaient de tout leur cœur.

Rabat-Joie n’avait jamais vu son maître dans un tel accès de jovialité ; il regarda d’abord avec un profond et silencieux étonnement, puis il se mit à japper d’un air interrogatif.

À cet accent bien connu, le rire des jeunes filles s’arrêta tout à coup, et une voix fraîche, encore un peu tremblante de joyeuse émotion, s’écria :