Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/39

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thie profonde, arriva insensiblement à regarder l’engourdissement de l’esprit comme un bien suprême… Ainsi les malheureux que torturent des maladies cruelles acceptent avec reconnaissance le breuvage opiacé qui les tue lentement, mais qui du moins endort leur souffrance.

En esquissant précédemment le portrait de M. Hardy, nous avons tâché de faire comprendre la délicatesse exquise de cette âme si tendre, sa susceptibilité douloureuse à l’endroit de ce qui était bas ou méchant, sa bonté ineffable, sa droiture, sa générosité.

Nous rappelons ces adorables qualités, parce qu’il nous faut constater que chez lui, comme chez presque tous ceux qui les possèdent, elles ne s’alliaient pas, elles ne pouvaient s’allier à un caractère énergique et résolu. D’une admirable persévérance dans le bien, l’action de cet homme excellent était pénétrante, irrésistible, mais elle ne s’imposait pas ; ce n’était pas avec la rude énergie, la volonté un peu âpre, particulière à d’autres hommes de grand et noble cœur, que M. Hardy avait réalisé les prodiges de sa maison commune ; c’était à force d’affectueuse persuasion : chez lui, l’onction remplaçait la force. À la vue d’une bassesse, d’une injustice, il ne se révoltait pas, irrité,