Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/446

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— Mais aussi… le premier mouvement nous venge, reprit le métis avec un sourire cruel.

— Faringhea… cette journée est à moi tout entière : je ne te quitte pas…, dit résolument le prince. Ou tu n’iras pas à ce rendez-vous… ou je t’y accompagnerai.

Le métis, paraissant vaincu par cette généreuse insistance, tomba aux pieds de Djalma, prit sa main, qu’il porta respectueusement d’abord à son front, puis à ses lèvres, et dit :

— Monseigneur… il faut être généreux jusqu’au bout et me pardonner.

— Que veux-tu que je te pardonne ?…

— Avant de venir auprès de vous… ce que vous m’offrez… j’avais eu l’audace de songer à vous le demander ;… oui, ne sachant pas où pourrait m’emporter ma fureur… j’avais songé à vous demander cette preuve de bonté que vous n’accorderiez pas peut-être à un de vos égaux ;… mais, ensuite, je n’ai plus osé… J’ai aussi reculé devant l’aveu de la trahison que je redoute, et je suis seulement venu vous dire que j’étais bien malheureux… parce qu’à vous seul… au monde… je pouvais le dire.

On ne peut rendre la simplicité presque candide avec laquelle le métis prononça ces mots, l’accent pénétrant, attendri, mêlé de larmes, qui succéda à son emportement sauvage.