Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/488

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joué et acculé par lui dans une effrayante impasse ; car il le savait, les deux pièces précédentes étant fermées, il n’y avait aucune possibilité de se faire entendre du dehors en appelant au secours, et les hautes murailles du jardin donnaient sur des terrains inhabités.

La première idée qui lui vint, et elle ne manquait pas de vraisemblance, fut que Rodin, soit par ses intelligences avec Rome, soit par une incroyable pénétration, ayant appris que son sort allait dépendre entièrement du père d’Aigrigny, espérait se défaire de lui en le livrant ainsi à la vengeance inexorable du père de Rose et de Blanche.

Le maréchal, gardant toujours le silence, détacha le mouchoir qui lui servait de ceinture, déposa les deux épées sur une table, et, croisant ses bras sur sa poitrine, s’avança lentement vers le père d’Aigrigny.

Ainsi se trouvèrent face à face ces deux hommes qui, pendant toute leur vie de soldat, s’étaient poursuivis d’une haine implacable ; et qui, après s’être battus dans deux camps ennemis, s’étaient déjà rencontrés dans un duel à outrance ; ces deux hommes, dont l’un, le maréchal Simon, venait demander compte à l’autre de la mort de ses enfants…

À l’approche du maréchal, le père d’Aigrigny