se leva ; il portait ce jour-là une soutane noire qui fit paraître plus grande encore la pâleur qui avait succédé à une rougeur subite.
Depuis quelques secondes, ces deux hommes se trouvaient debout, face à face, et aucun n’avait encore dit un mot.
Le maréchal était effrayant de désespoir paternel ; son calme, inexorable comme la fatalité, était plus terrible que les fougueux emportements de la colère.
— Mes enfants sont morts, dit-il enfin au jésuite d’une voix lente et creuse en rompant le premier le silence, il faut que je vous tue…
— Monsieur, s’écria le père d’Aigrigny, écoutez-moi… ne croyez pas…
— Il faut que je vous tue…, reprit le maréchal en interrompant le jésuite ; votre haine a poursuivi ma femme jusque dans l’exil, où elle a péri ; vous et vos complices avez envoyé mes enfants à une mort certaine… Depuis vingt ans vous êtes mon mauvais démon… C’est assez, il me faut votre vie… je l’aurai.
— Ma vie appartient d’abord à Dieu, répondit pieusement le père d’Aigrigny, ensuite à qui veut la prendre.
— Nous allons nous battre à mort dans cette chambre, dit le maréchal, et comme j’ai à ven-