Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/495

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de sorte que l’arme se brisa en deux morceaux.

Il n’y avait plus ainsi de duel possible.

Le père d’Aigrigny se mettait lui-même dans l’impuissance de céder à une nouvelle violence, dont il ressentait l’imminence et le danger.

Le maréchal Simon resta un moment muet et immobile de surprise et d’indignation, car lui aussi voyait alors le duel impossible ; mais, tout à coup, imitant le jésuite, le maréchal mit comme lui la lame de son épée sous son talon et la brisa à peu près à sa moitié, ainsi qu’avait été brisée l’épée du père d’Aigrigny ; puis ramassant le tronçon pointu, long de dix-huit pouces environ, il détacha sa cravate de soie noire, l’enroula autour de ce fragment du côté de la cassure, improvisa ainsi une poignée et dit au père d’Aigrigny :

— Va pour le poignard…

Épouvanté de tant de sang-froid, de tant d’acharnement, le père d’Aigrigny s’écria :

— Mais, c’est donc l’enfer !…

— Non… c’est un père dont on a tué les enfants, dit le maréchal d’une voix sourde en assurant son poignard dans sa main, et une larme fugitive mouilla ses yeux, qui redevinrent aussitôt ardents et farouches.

Le jésuite surprit cette larme… Il y avait dans ce mélange de haine vindicative et de