Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/496

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douleur paternelle quelque chose de si terrible, de si sacré, de si menaçant, que, pour la première fois de sa vie, le père d’Aigrigny éprouva un sentiment de peur… de peur lâche… ignoble… de peur pour sa peau… Tant qu’il s’était agi d’un combat à l’épée dans lequel la ruse, l’adresse et l’expérience sont de si puissants auxiliaires du courage, il n’avait eu qu’à réprimer les élans de sa fureur et de sa haine ; mais devant ce combat corps à corps, face à face, cœur contre cœur, un moment il trembla pâlit, et s’écria :

— Une boucherie à coups de couteau… jamais.

L’accent, la physionomie du jésuite trahissaient tellement son effroi, que le maréchal en fut frappé et s’écria avec angoisse, car il redoutait de voir sa vengeance lui échapper :

— Mais il est donc vraiment lâche ?… Ce misérable n’avait donc que le courage de l’escrime ou de l’orgueil… ce misérable renégat, traître à son pays… que j’ai souffleté… crossé, car je vous ai souffleté… marquis de vieille roche ! je vous ai crossé… marquis de vieille souche !… vous, la honte de votre maison, la honte de tous les braves gentilshommes anciens ou nouveaux… Ah ! ce n’est pas par hypocrisie, ou par calcul… comme je le croyais, que